Tribune – 20.000 euros de travaux pour éviter 75.000 euros de perte : « Il faut transformer la rénovation énergétique en investissement rentable »

Tribune

Les Echos – 03/10/2025

Emmanuel Blanchet, CEO de CheckDPE

Pour encourager la rénovation énergétique des logements, il faut transformer le DPE en un véritable signal de valeur, suggère Emmanuel Blanchet, CEO de CheckDPE. Ainsi, il ne s’agit plus d’économiser sur sa facture mais de protéger son patrimoine immobilier.

Face aux contraintes budgétaires actuelles, la rénovation énergétique ne doit plus reposer uniquement sur les subventions de l’Etat. Il est temps de changer de paradigme et d’utiliser le puissant levier du diagnostic de performance énergétique (DPE) à bon escient. En transformant le DPE en un véritable signal de valeur durable, nous pouvons inciter les propriétaires à agir pour protéger leur propre patrimoine, sans dépendre exclusivement des fonds publics.

La rénovation énergétique des logements est une nécessité impérieuse. Face à la crise climatique, il n’est plus question de débattre de son importance, mais bien d’accélérer pour atteindre nos objectifs. Historiquement, les politiques publiques se sont principalement appuyées sur des subventions pour inciter les ménages à engager des travaux, en insistant sur la rentabilité à long terme des économies d’énergie. Cependant, cette approche se heurte à la réalité des ménages face à un retour sur investissement trop lointain (absence ou arbitrage de budget, préférence des ménages pour le présent…).

Pour un DPE robuste et fiable

Un outil peut changer la donne : un DPE robuste et fiable. En rendant le DPE opposable et en interdisant certaines lettres à la location, la loi a commencé à introduire une nouvelle dimension, qui associe directement la performance énergétique d’un logement à sa valeur sur le marché. Ce n’est plus seulement une question d’économies sur la facture, mais une question de valeur même du bien.

Prenons l’exemple d’un logement de 500.000 euros classé F. Des travaux de 20.000 euros permettent de le faire passer en classe D. Ces travaux génèrent 1.000 euros d’économies d’énergie par an, soit une rentabilité directe en vingt ans, un horizon souvent jugé trop lointain.

Pour embarquer la population dans le projet collectif, cette équation n’est pas la bonne. L’impact principal doit résider dans la préservation de la valeur du bien. Déjà aujourd’hui, selon les notaires, un logement classé F peut subir une décote de 15 %, soit une dévaluation potentielle de 75.000 euros. Les 20.000 euros de travaux évitent cette perte de valeur bien supérieure à leur coût.

L’équation financière est alors bouleversée : l’investissement n’est pas seulement un moyen d’économiser de l’énergie à long terme, mais surtout de protéger le capital immobilier. Le DPE devient un signal qui lie directement la performance énergétique à la valeur financière, transformant un coût perçu en une opportunité d’investissement.

Fiabilisation du DPE

C’est pour cette raison que le DPE, lorsqu’il est durable dans le temps, est un puissant levier pour déclencher un cercle vertueux. Il offre un signal clair et durable sur le risque financier associé à un logement énergétiquement médiocre, ou sur le potentiel de plus-value d’une rénovation. Cette approche est d’autant plus pertinente à l’heure où les fonds publics se raréfient.

Plutôt que de s’appuyer uniquement sur des subventions coûteuses, les pouvoirs publics doivent se concentrer sur la fiabilisation du DPE. Il doit devenir un outil de confiance pour tous les acteurs de l’immobilier, des propriétaires aux notaires, des acheteurs aux vendeurs, des banques aux agents immobiliers.

Cette fiabilité du signal de valeur du DPE peut être atteinte, d’abord en maintenant les dates progressives d’interdictions de location des lettres (G depuis 2025, F en 2028, E en 2034, …) pour conserver une trajectoire claire.

Ensuite, en impliquant davantage les banques pour que le financement des acquisitions serve en partie à la rénovation, et enfin, en continuant à renforcer la fiabilité du DPE, par la formation et l’utilisation de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle pour détecter les incohérences et pour proposer les solutions de rénovation les plus efficientes.

Ces mesures doivent faire du DPE un véritable catalyseur de la rénovation, en maintenant une trajectoire claire pour l’amélioration progressive de la performance des logements. Il est grand temps d’utiliser ce signal de valeur pour transformer le marché de l’immobilier et accélérer la transition énergétique.

Emmanuel Blanchet est fondateur et CEO de CheckDPE.

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/20000-euros-de-travaux-pour-eviter-75000-euros-de-perte-il-faut-transformer-la-renovation-energetique-en-investissement-rentable-2190026

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